Projets pour limiter les contestations de loyers abusifs en Suisse
Le Conseil National se penchera au printemps prochain sur la limitation des possibilités de contestation du loyer initial et sur la facilitation d’établissement de la preuve des...
Dans une économie équilibrée, en principe comme la nôtre, quel que soit l’investisseur, son motif, sa qualité, sa nature, son origine, on pourrait penser qu’investir ne souffre aucun biais, selon que l’on soit Africain, Tessinois, structuré en société, fonds, coopérative ou non. Certes, certains pays discriminent au motif de «l’inaliénabilité» de la terre aux étrangers ou aux... infidèles. Nous connaissons en Suisse aussi une restriction à la vente aux étrangers unique en Europe (hormis le Vatican), motivée par la fragilité et l’étroitesse du marché. Nous connaissons également, c’est le propos de ces lignes, une spectaculaire discrimination fiscale selon que l’on soit une personne ou un institutionnel.
L’explosion des prix depuis dix années vient en partie de là. Ce billet illustre cette évidence, qui n’est en aucun cas une vue de l’esprit ou le chuintement d’un porte-monnaie grincheux: c’est un fait. Le quidam qui investit dans un immeuble, via une société ou non, ne «régatera» jamais avec une caisse de pensions. Pourquoi? Le premier larron (vous, moi) payera l’impôt. Le second non, ou un tout petit peu. La figure illustrant ce propos suit ces lignes, avec quelque raccourci pour la clarté de la démonstration (j’y omets l’impôt sur la fortune, par exemple). Cela s’inscrit dans mes quatre précédents articles qui tous tendent à démontrer que la variation des prix dépend pour trois quarts du droit administratif, de la politique et non de phénomènes conjoncturels ou de marché. Cela m’a valu quelque remarque chagrine. Je persiste néanmoins.
La cascade fiscale distrait au minimum 60% d’un revenu immobilier, quelle que soit la forme de détention et contraint l’investisseur à recourir le plus massivement possible à la dette. Dans la pire des situations, sur 100 de revenu, il n’en reste que 47 (et encore, avant l’impôt sur la fortune). On y omet ici les droits de mutation (les ventes) et d’enregistrement (l’inscription au registre foncier), l’impôt sur la plus-value et j’en passe. Dans la meilleure des hypothèses (les caisses): 78. Un score de 47/78: on appelle cela une raclée dans certains sports.
On comprend intuitivement qu’il y a une distorsion massive de concurrence entre deux catégories de propriétaires, ce d’autant qu’ils achètent des actifs identiques sur un même marché, avec la même monnaie. Si l’on compare, entre fonds de pensions et particuliers, la «valeur» du dernier franc, celui qui reste après le paiement de toutes les charges, on peut illustrer (à rendement équivalent) une sorte de «prix plafond» pour chacune de ces catégories. En d’autres mots ou chiffres, si le lambda obtient 473 (notre exemple) et la mutuelle de retraite 788, (par hypothèse) et que les deux attendent 4% de rendement net, la mutuelle pourrait investir presque au double du prix d’un particulier, à rendement parfaitement équivalent.
Calculons la «valeur» en capital du dernier franc de revenu pour trois acteurs classiques: le privé, le privé via une société anonyme/immobilière (avant et après la réforme arlésienne de l’impôt sur les sociétés RFFA), et notre caisse de pensions (qui est un peu tout le monde).
Le résultat est spectaculaire. Pour le même rendement net recherché, le deuxième pilier peut se permettre d’acheter presque deux fois plus cher qu’un privé (19’700 contre 11.159 en société immobilière). Il y a évidemment une volonté politique là-derrière: la neutralité fiscale laissée à nos retraites n’est rien d’autre qu’une subvention à un modèle de prévoyance. Cet avantage incite un biais essentiel au système, particulièrement depuis que le marché obligataire est anecdotique: les privilégiés (les caisses) tendent à acheter plus cher, au risque de déséquilibrer le marché pour un motif totalement artificiel. Cette courte démonstration illustre «la prime institutionnelle» à l’investissement. Cette situation, de surcroît, engendre un effet pervers dont les caisses ne souffrent en rien. L’impôt sur le capital (la valeur des immeubles) se calcule sur des moyennes de transactions, sans observation de qui achète. La caisse qui achète cher rehausse par conséquent les valeurs moyennes, donc l’impôt sur la fortune de ses concurrents: les privés. Un effet boomerang que la statistique pourrait facilement corriger. Venons-en aux résultats, ici arrondis pour ne pas compliquer. L’optimum du massacre, c’est le placement en société (SI). Investir en nom ou spéculer sur un taux RFFA à 13.99% (taux éventuel à Genève dans... années) n’inverse en rien la tendance; tous se situent avec des fardeaux compris entre - 39 et - 43% en termes d’équivalent capital.
Cette situation insolite masque un risque exponentiel: qu’arriverait-il si, par impossible, les caisses de pensions devaient vendre leurs immeubles, toutes en même temps, aux péquins fiscalisés? Elles subiraient à leur tour la décote probable de 40% en moyenne, du simple fait que celui qui achèterait payerait l’impôt, lui. C’est là un risque de contre-partie que l’Etat n’a pas anticipé. C’est une bombe à très lent retardement (à «explosion différée», comme on le calcule dans l’artillerie).
Des bombes, ce sont les plus meurtrières.
Source Agefi
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